Train(s) de vie

Publié le par PB

Ce n'est jamais facile de choisir la bonne direction. Quel train pour quelle destination ?

La gare est bruyante, grouillantes d'idées contradictoires. Elle abrite l'humanité naissante comme un cocon chaud et éternel. Elle délivre des informations contradictoires ou complémentaires par des canaux qui s'additionnent et se brouillent : l'affiche vante une ville contre laquelle, au fond du kiosque, le journal met en garde ; l'annonce sonore, inquiète, perturbe la lecture tranquille des panneaux horaires. L'horloge compte les tours et fait partir les trains. A l'heure ! Aucun retard n'est accepté, sauf mention spéciale et coup du sort. Déjà, à la gare, les choses ne sont pas égales : il y a distorsion des chances.

 Ce voyageur prendra la voie royale dans le train luxueux. Tel est son destin. Celui-ci y grimpera in extremis parce qu'il est débrouillard, et qu'il a la prescience des événements à venir. Une intuition formidable doublée d'un bon sens de la débrouillardise. A ses côtés, un escroc majeur, séducteur né des personnes des deux sexes. Ses traits d'esprits, la finesse de ses manières, son aptitude à se faire caméléon lui permettent de monter dans le plus beau train.

 Cette femme, par contre, restera rabougrie sur le quai, croisant parfois le machiniste au regard sombre, aux mains cassées. Hagards, ils resteront à quai. A jamais. Ce jeune homme a bien failli connaître le même sort, mais non, il s'est ressaisi et partira, enfin, pour une destination lointaine et bien plus belle que celle qu'il espérait. Ainsi, la chance est parfois tardive.

 Scrutant fébrilement les panneaux horaires, compulsant les guides de voyage, il va d'un train à un autre, ce personnage au regard clair, mais n'en prend aucun. Il voudrait tellement être sûr d'avoir le bon. 

Il reste à quai, et dessine des aiguillages. Comment, sans changer de train passer de la Sibérie à l'Arabie heureuse ? Peut-on visiter la Suède en rêvant d'Andalousie ? Comment savoir si la destination que l'on choisit à la gare est bien l'endroit où l'on voudra être à la fin du voyage ? Tout ce temps dans le train, comment ne nous affecterait-il pas ? Et les compagnons de voyage n'influenceront-ils pas notre tempérament ? Ne nous prêteront-ils pas leurs yeux, ne serait-ce qu'un moment, pour nous faire comprendre leur "vision des choses" ? Et avec qui voyager ? Comment savoir, comment choisir ?

 Cogitant comme un épileptique s'agite, il se noie dans ses pensées et sur le quai, échafaude le plus loin et merveilleux des voyages.  

 

Un jour, il apprendra que pour prendre le train de la vie, il faut accepter de partir, sans savoir exactement où. Partir, se laisser aller. La destination n'apparaît qu'au bout du chemin : c'est en avançant que l'on découvre vers où l'on va.

Publié dans Ma vie hors du métro

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